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LA COMPLAINTE DU CHOMEUR

La complainte du chômeur

 

A tous les exclus, les « accidentés de la vie », les demandeurs demandeurs d'emploi, les chercheurs d'emploi, les "clients", bref à tous les chômeurs

 

Ecoutez la complainte du pauvre chômeur,

La sourde litanie,

La douleur infinie,

Ecoutez, je vous prie, cette longue clameur.

 

L'usine lentement disparaît dans les ronces,

Comme mes souvenirs.

Je n'ai pas d'avenir,

A toutes mes questions, je n'ai pas de réponse,

 

Il me revient parfois, comme une chanson douce,

L'écho de l'atelier,

Les chants des ouvriers

Noyés dans les bières blondes gonflées de mousse.

 

Et de plus loin encor, j'entends souvent mon père,

Me montrer fièrement

Sa médaille d'argent

Pour les vingt cinq années de travail salutaire.

 

La ville résonnait au rythme de l'usine,

Et si parfois la grève

Se terminait en trêve,

Le silence souvent recouvrait les machines.

 

Et lorsque le patron, père et maire de droite,

Bien sûr sans étiquette,

Nous offrait la piquette,

Nous serrions en tremblant sa main blanchâtre et moite.

 

Nous regardions envieux la superbe bâtisse,

Les belles colonnades,

Le ruisseau en cascades,

Le nom en lettres d'or gravés en frontispice.

 

Et puis ils sont venus, en costumes trois pièces,

Traversant le hangar

Sous le regard hagard

De tous les ouvriers ravagés de tristesse.

 

Et depuis quelques mois, nous ne voulions savoir,

Le rythme au ralenti,

Les rumeurs démenties,

Et depuis quelques temps, nous ne voulions pas voir.

 

Je m'en souviens encor, ce faut au mois de juin,

Je reçu au courrier

Un étrange papier

Daté, séché, signé par notre châtelain.

 

Je ne comprenais pas car j'étais en congés,

Prêt à rejoindre enfin

La mer du Cotentin,

A regarder la mer, sur la sable allongé.

 

Nous étions quatre-vingt ouvriers sacrifiés,

Le loyer impayé,

Les factures noyées

Dans les publicités du bel hypermarché

 

O bien sur, la prime d'ancienneté versée

Illumina nos yeux.

Ces chiffres merveilleux,

Comme trois chevaux gagnants  dans un très beau tiercé.

 

Ma femme a disparue, et mon enfant avec,

Je n'ai plus de permis,

Où sont tous mes amis,

Brûlés au sel acide de mes sanglots secs ?

 

Et à l'ANPE, on m'a bien expliqué

La flexibilité

Et la mobilité

J'ai fais un beau CV, je me suis appliqué.

 

J'ai écris tous les jours, j'ai écris quatre jours

Aux quatre entreprises,

Elles ne m'ont pas prises,

J'ai crié, j'ai pleuré, appelé au secours.

 

Et puis ils m'ont radié, irradié au soleil,

De ma désespérance.

Et je brûle en souffrance

Des feux  fous de la bouteille aux couleurs vermeilles.

 

Je sombre lentement dans la résignation,

Je vote national,

A la municipale,

Et je lève le sabre et puis le goupillon.

 

Le café a fermé, l'école a disparue,

L'unique épicerie

De mon copain Ali

Reste ouverte tard, la nuit, au coin de ma rue.

 

Et puis le RMI, les sacs alimentaires,

Les regards de pitié,

Et mon honneur broyé

Obligé de me taire, obligé de me taire…

 

Demain je vais fêter mes cinquante-deux ans,

Un beau feu d'artifice

L'ultime sacrifice

De mon âme blessée, mon corps agonisant.

 

Je ne sais pas encor, de l'arabe ou du maire

Qui sera le coupable.

J'ai posé sur la table

Les armes de mon père ainsi qu'un revolver.

 

J'ai perdu la raison, l'alcool brûle mon corps,

Et la télévision,

Pendant le réveillon

Hurle des chants d'amour dans un joyeux décor.

 

Je ne demandais rien, juste un peu de travail,

Me lever le matin,

Toucher mon bulletin,

Peut-être recevoir, un jour, une médaille.

 

Je ne demandais rien, finir tout simplement

De payer ma maison,

Saison après saison,

Et puis tout doucement, vieillir très lentement.

 

Je ne sais pas écrire, et je sais très peu lire,

A l'école autrefois

Je m'enfuyais parfois

Sous les coups de bâton, blessé à en mourir.

 

Je ne sais plus parler, je bafouille des sons,

Je ne me lave plus,

Ma tête chevelue

Ressemble étrangement aux pics d'un hérisson.

 

Je n'ai plus de désir, la mort hante mon corps,

Comme un cancer caché

Et qui soudain craché,

Explose par la bouche en un rouge haut-le-corps.

 

Dites-moi, vous lecteur, tout ce que je dois faire ?

Donnez-moi s'il vous plaît

De quoi panser ma plaie,

De quoi recommencer, comme avant, comme hier.

 

Et je ne comprends rien à la télévision,

La mondialisation,

Et les reconversions

Et les grands bienfaits de la privatisation.

 

J'étais bien, vous saviez, dans mon aliénation,

Il faut bien travailler,

Et j'étais le premier

A entrer dans l'usine avec admiration.

 

Ils parlent de contrat, contrat nouvel embauche,

Je ne demande rien,

Qu'un poste de gardien

Un simple CDE, contrat dernière embauche.

 

L'usine lentement disparaît dans les ronces,

Comme mes souvenirs.

Je n'ai plus d'avenir.

A toutes mes questions, je n'ai plus de réponse,

 

Daniel FLAUGNATTI



08/04/2009

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