SNU pole-emploi FSU CA

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LIBERATION du 18 JUIN : POLE-EMPLOI : Le chemin de crox du chômeur

«Vous êtes bien au Pôle Emploi, ne quittez pas…»

Le tout nouveau logo Pôle Emploi a été plaqué sur les murs des anciens locaux. 11 heures : l’agence du quai de la Loire, dans le XIXe à Paris, est… déserte. Un jeune arrive, se poste devant l’antique cabine téléphonique, et se met à parler tout seul, lâchant quelques mots - «inscription», « dossier» -, puis «merde». Il répond à la plate-forme téléphonique automatique de Pôle Emploi, le 39 49, passage premier et obligé pour toute nouvelle inscription. Car sans rendez-vous, plus possible désormais de se renseigner auprès d’un conseiller en agence qui vous dirige prestement vers Internet ou le 39 49. Le «merde» final ? «Je n’ai eu personne, tous les conseillers sont occupés.» Au-dessus de la cabine, un écriteau prévient d’ailleurs que la conversation est automatiquement coupée au bout de six minutes. Plus loin, rue du faubourg Saint-Martin, les vastes locaux de l’Assédic sont quasi vides eux aussi. Plusieurs conseillers rigolent entre eux, et s’y mettent à trois pour recueillir le document qu’une petite mamie leur tend avant de tourner les talons.

Cultures différentes

Locaux déserts mais plate-forme téléphonique saturée ? C’est un des - nombreux - paradoxes que semblent vivre les demandeurs d’emplois dans leur relation avec le tout nouvel organisme né de la fusion entre l’ANPE et les Assédic. Menée au pas de charge, sous la pression d’un président de la République qui a lui-même fixé l’été comme date butoir du dernier guichet unique, le mariage entre les deux institutions, aux missions et aux cultures totalement différentes, est en train de virer au cauchemar. Pour les nouveaux chômeurs, dont le nombre a explosé (+ 24,6 % sur un an pour la catégorie A), comme pour les salariés de Pôle Emploi. Trois syndicats (CGT, SUD et SNU) appellent à une grève aujourd’hui. En Ile-de-France, ce sont même six syndicats de l’agence (FO, CFDT et CFTC compris) qui invitent à suivre le mouvement.

A quelques rues du Quai de Loire, l’agence Louis Blanc n’a pas changé son logo. La vieille borne Assédic trône encore au-dessus de l’entrée. Christian, 59 ans, sort satisfait. «Je suis depuis trois ans au chômage, et d’habitude, je réalise les formalités par téléphone. Mais cette fois-ci, ça n’a pas fonctionné. J’ai dû me déplacer physiquement.» Pas de souci pour Christian, qui trouve l’accueil «plus jeune et dynamique». Avant d’ajouter : «Ça ne veut pas dire qu’ils vont me trouver un boulot.» Et pour cause, à 59 ans, la caisse de retraite l’a déjà relancé deux fois pour calculer ses droits, et le «sortir ainsi des statistiques du chômage», dit-il.

«Elaborer son projet»

D’autres ont joué le jeu, et se sont inscrits par Internet - répondant ainsi parfaitement à la volonté de Pôle Emploi de rationaliser les processus d’inscriptions et de désengorger les agences. «D’abord, il n’y a pas eu de souci, explique François, trentenaire, en fin de CDD de quinze mois. Un mail m’a prévenu qu’un courrier me serait envoyé avec la date de mon premier rendez-vous. Celui où l’on doit "élaborer son projet" et, surtout, calculer l’indemnité chômage» Mais le papier n’arrive pas. Dix jours plus tard, François se rend en agence. «A l’accueil, un homme me répond qu’il est sans doute normal de n’avoir rien reçu, qu’il y a beaucoup de demandes en ce moment.» Une semaine plus tard toujours rien, Au 39 49, personne. «Mais la nouveauté, c’est que tu peux appuyer sur la touche 1 de ton téléphone pour te faire rappeler.» Il a appuyé, on l’a rappelé dans la journée. Pour lui dire, qu’il était finalement bien inscrit et avait même été convoqué à un rendez-vous… dix jours plus tôt. Une autre date est fixée, mais voilà déjà trois semaines que François n’a plus de revenus, en attendant ses indemnités.

Comme beaucoup d’autres, Laure, documentaliste, est une habituée du 39 49. De la bande magnétique qui répète «Pôle Emploi à votre service…» puis «veuillez appuyer sur la touche étoile de votre clavier». Laure a parfois dû appeler 5 fois de suite pour un renseignement… puisqu’après quelques minutes d’attente, la ligne était coupée.

«Comme à la banque»

«On en a parlé avec mon conseiller qui est vraiment sympa: il voit bien que je cherche du travail et qu’il n’a aucun poste à me proposer dans ma branche, explique Laure. Alors il m’a fait visiter discrètement les locaux, m’a fait entrer dans un petit bureau où une femme, un casque sur les oreilles, faisait ce qu’elle pouvait pour répondre aux questions par téléphone.»

Un répondeur téléphonique en boucle, des formulaires en ligne et, en agence, un conseiller qui oriente vers le répondeur ou les formulaires. Beaucoup de demandeurs d’emploi sont désemparés par la déshumanisation des rapports avec le service public de l’emploi… alors que le gouvernement vante les vertus du «suivi personnalisé des chômeurs». Les agents ont un portefeuille de chômeurs «comme à la banque», ironise Laure. «Le service téléphonique de Pôle Emploi, ressemble aux services clients des fournisseurs d’accès à Internet», poursuit Claude, 40 ans, qui sort de 15 mois de CDD chez un opérateur téléphonique.Les interlocuteurs n’ont pas les moyens de répondre et semblent là pour nous calmer.»

Trois erreurs

La situation de Claude est devenue «kafkaïenne», dit-elle. Son indemnisation se tarit bien plus tôt que prévue, et après enquête (auprès de 3 interlocuteurs différents : le premier lui raccroche au nez, le deuxième ne sait pas répondre), elle comprend que Pôle Emploi a oublié de compter sept mois de CDD. «On me dit que Pôle Emploi a rectifié son erreur… mais au prix d’une autre, dans la date de mon inscription. Je tente alors un passage en agence : "Ah non madame, on ne reçoit que très exceptionnellement"»Claude finira par recevoir une lettre, qui rectifie la deuxième erreur… et l’informe d’une troisième : Pôle Emploi s’est trompé dans le calcul de son indemnité. C’est elle qui leur doit 700 euros.

Murielle, elle, n’a pas galéré. Peut-être parce que dans son cas, la fusion n’avait pas l’air bien en place… Une semaine après sa pré-inscription sur Internet, elle est convoquée au Pôle Emploi le plus proche de chez elle. «Je croyais qu’ils avaient fusionné, mais le premier type ne s’est occupé que de mon indemnisation.» La recherche d’emploi, c’est deux rues plus loin, et deux heures plus tard. «Le second type était très sympa. Il a juste eu du mal à trouver mon métier dans la liste proposée par son logiciel, a coché un profil de poste un peu similaire, puis m’a dit, tout sourire, que je trouverai du boulot grâce à mon réseau. Bref, il ne pouvait rien pour moi.» Murielle explique alors son projet de création d’entreprise. «"C’est super comme idée", m’a dit le type. "Vous allez vous débrouiller, je le sens. Alors comme on n’a plus rien à se dire, rendez-vous en septembre".»

 

Assédic et ANPE, la fusion aux forceps

Deux cultures différentes, une formation tardive des agents… les ratés du rapprochement.

Par FRANÇOIS WENZ-DUMAS, SONYA FAURE

Des syndicats du Pôle Emploi ont appelé aujourd’hui à la grève pour protester contre la fusion ANPE-Assédic, voulue par Nicolas Sarkozy, qui connaît des ratés. Explications.

Pourquoi la fusion a-t-elle été décidée ?

L’Unédic (union des Assédic, Associations pour l’emploi dans l’industrie et le commerce) est née en 1958 d’un accord patronat-syndicats. Elle est gérée par les partenaires sociaux, qui fixent tous les trois ans les cotisations et les règles d’indemnisation. Créée neuf ans plus tard, en 1967, l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi) est un établissement public de l’Etat. Elle recense les demandeurs d’emploi et les met en relation avec les entreprises qui recrutent. La montée du chômage, à partir de 1980, a alourdi la tâche des deux organismes. En 2001, la nouvelle convention d’assurance-chômage complexifie encore les liens entre les deux organismes en créant le Pare (Plan d’aide au retour à l’emploi), signé avec l’ANPE et financé par l’Assédic. Septembre 2007, Nicolas Sarkozy annonce la fusion ANPE-Assédic et promet une loi, votée le 13 février 2008. Pôle Emploi est lancé le 19 décembre. La fusion ne remet pas en cause le rôle des syndicats et du patronat, qui continuent à fixer par la négociation les cotisations et l’indemnisation. La nouvelle structure compte les 43 000 salariés.

Pourquoi ça n’a pas marché ?

Peu de désaccords là-dessus : «La fusion a été insuffisamment préparée, estime Carole Tuchszirer, chercheure au CEE. On ne peut pourtant pas dire qu’elle était une surprise…» Depuis des années, les rapports s’accumulaient préconisant un rapprochement entre l’ANPE et les Assédic. «La fusion a été un slogan publicitaire : les chômeurs auraient tous les renseignements à un même guichet, etc., estime Philippe Sabater, du SNU, contre la fusion. En réalité, on a réuni dans la précipitation deux cultures totalement différentes et ça ne marche pas.»

La nouvelle convention collective des agents de Pôle Emploi n’a toujours pas été rédigée. Et comment faire pour faire travailler ensemble, parfois sur le même poste, un ancien ANPE, agent statutaire de l’Etat, dont le licenciement est très encadré, avec un ancien Unédic, agent du privé, au salaire supérieur de 30 % en moyenne ? «La gestion culturelle du changement n’a pas été pensée»,estime un député UMP, pourtant favorable à la fusion. En clair : la hiérarchie de proximité n’a pas suffisamment été formée à gérer deux cultures très différentes. «Ceux de l’Unédic ont une approche plus administrative, ceux de l’ANPE plus sociale», décrypte Philippe Sabater.

La formation des agents a été insuffisante (et n’est pas achevée ): trois jours pour se former à l’indemnisation, sept jours, si on est volontaire, pour se former à l’accompagnement. «La fusion n’a pas fait l’objet d’un consensus avec les organisations syndicales, dit Carole Tuchszirer. Il y a eu une annonce politique, au moment où on adoptait une loi qui instaurait l’offre valable d’emploi et le renforcement des sanctions des chômeurs, ce qui a tendu la situation.»

La montée du chômage a-t-elle aggravé la situation ?

La fusion avait été décidée avant la crise et l’arrivée de 600 000 demandeurs d’emplois depuis fin août 2008. L’objectif fixé par convention avec l’Etat était que chaque conseiller assure le suivi de 60 demandeurs d’emploi. La moyenne est supérieure à 90 et, reconnaît-on à la direction de Pôle Emploi, peut atteindre localement 130 voire davantage. Les syndicats se plaignent de sous-effectifs, la direction a acté la création de 1 840 postes supplémentaires (lire l’interview page suivante). Et 500 CDD de plus pour faire face eu débordement de la plateforme téléphonique.

 

Blues des agents et travail «bâclé»

Ex-Assédic ou ex-ANPE, des employés tirent un amer bilan de la fusion.

Par LUC PEILLON

 «Ma ligne d’écoute: 0 800 970…» Non, ce n’est pas le numéro à appeler pour s’inscrire à l’assurance chômage, mais la ligne d’assistance psychologique pour les salariés de Pôle Emploi.

Mal-être, agressivité, violences physiques, stress, relations conflictuelles, autant de situations pour lesquelles les employés au bord de la crise de nerfs peuvent joindre le cabinet privé Psya, mis à disposition par la direction. Un standard qui, comme celui de Pôle Emploi, doit sans doute aujourd’hui exploser. «Depuis le début de l’année, on dénombre de nombreuses agressions, verbales et physiques, et six suicides, dont un sur le lieu de travail», s’insurge Philippe Sabater, du syndicat national unitaire (SNU), affilié à la FSU.

En dépression, Muriel, 33 ans, fait partie des ex-ANPE. En poste dans le nord de Paris, elle gère un portefeuille de 200 demandeurs d’emplois, contre 60 prévus lors de la création du nouvel organisme. «Notre charge de travail a triplé, mais nous n’avons pas plus de temps pour la traiter, se plaint Murielle. On accueille les chômeurs à la chaîne, une demi-heure chacun. Mais comme on doit les recevoir au moins une fois par mois, alors on les regroupe dans des ateliers, qui n’ont plus rien d’individuel Du travail «bâclé» qui met tout le monde «mal à l’aise». Les ex-Assédic arrivent, mais «au compte-gouttes», non formés, et avec des rémunérations supérieures, créant ainsi un «drôle de climat». Il faut pourtant tenir les objectifs, selon Murielle, quitte à délaisser le volet offre d’emplois. «On ne fait plus de prospection. Du coup, les employeurs ne nous font plus confiance et ne nous proposent plus rien.»

Damien, ex-Assédic, officie, lui, dans l’ouest parisien. De la fusion qu’il soutenait, il tire un bilan «très mitigé» : «La plupart de nos avantages, salaire, RTT, 1 % logement, vont être grignotés, au fur et à mesure que nous allons être absorbés par l’ex-Anpe. Quand on vous traite de la sorte, vous freinez naturellement des quatre fers.» Lui aussi a vu sa charge de travail exploser, sans obtenir de renforts. «Les recrutements qui ont eu lieu concernent la fonction "placement", c’est-à-dire pour les ex-Anpe, mais pas pour nous.»

Sa mission est d’ailleurs toujours la même, l’inscription et l’indemnisation. «Pour le suivi personnalisé, je renvoie au bureau d’à côté». Une situation encore loin du guichet unique, prévu par le processus de fusion. «C’est une réforme que l’on fait rapidement, mais surtout violemment, s’inquiète Josiane Chevalier, responsable du syndicat CFDT Ile-de-France de Pôle Emploi. Il y a une vraie violence, voire de la maltraitance, envers les salariés.» Charge de travail, choc des cultures public-privé, formation, mais aussi gestion des doublons nés de la fusion, «aucun accompagnement des agents n’est mis en place, c’est de l’antiressources humaines», insiste Josiane Chevalier. Le dernier guichet unique cet été, selon la promesse de Nicolas Sarkozy ? Pari difficile à tenir. Ou alors à quel prix …

 

Les salariés du Pôle emploi «sur les nerfs»

REPORTAGE

Ils étaient environ 400 salariés du Pôle emploi à manifester ce jeudi après-midi à Paris, pour dénoncer des conditions de travail rendues de plus en plus difficiles par la montée du chômage et la fusion de l'ANPE et des Assedic.

Julien LALOYE

 

Manifestation des salariés du Pole emploi à Paris jeudi. (MEHDI FEDOUACH / AFP)

Djamel, cinq ans d'ancienneté dans une agence ex-assedic du 20e arrondissement, est le seul à avoir fait le déplacement jusqu'à Bastille pour participer à la manifestation parisienne des salariés du Pôle emploi, parmi la grosse quinzaine d'agents que compte son agence. «Les gens sont sur les nerfs, épuisés à cause du boulot et de la surcharge de travail, et ceux qui sont là ont trouvé le courage de venir dire stop à tout ça».

Comme lui, ils sont environ 24% des salariés d'Ile-de-Fance (14% sur le plan national) à avoir répondu à l'appel à la grève lancé par les trois syndicats majoritaires du groupe (Snu, CGT, Sud Emploi). Des chiffres en baisse par rapport aux premières mobilisations, le 1er décembre et le 5 janvier derniers, quand près de 60% des personnels Assedic et 50% des Ex-ANPE avaient cessé le travail.

Trois métiers en un

Mais si les rangs sont un peu clairsemés, les grévistes présents, entre deux et quatre cents personnes, n'en sont pas moins remontés contre la fusion des deux organismes, l'ANPE et les Assedic, effective depuis le début de l'année. En cause, la détérioration des conditions de travail et le manque de personnel pour faire face à l'afflux de chômeurs (50 000 par mois depuis janvier).

Tatiana et ses deux collègues sont venues tout spécialement du Val-de-Marne. Issues d'une petite agence, à peine une douzaine d'employés, elles veulent témoigner des incohérences du nouveau Pôle emploi, «loin des promesses féériques de Nicolas Sarkozy». Le guichet unique, le traitement de la demande d'emplois et du calcul des allocations par la même personne, la moyenne utopique d'un conseiller pour 60 demandeurs d'emplois, «Tout ça est bien fumeux» explique Tatiana, qui doit s'occuper personnellement de 158 chômeurs. «J'ai trois fois plus de dossiers que je ne peux en traiter et je ne dispose que d'un tiers de mon temps pour m'en charger».

Les deux tiers restants, cette ex-ANPE ne se tourne pas les pouces : elle doit aussi assurer la permanence téléphonique, le fameux 3949 que les nouveaux chômeurs composent pour s'inscrire, «quand quelqu'un a le temps de prendre l'appel», et enfin démarcher les entreprises partenaires du Pôle emploi.

Evidemment, elle ne peut pas tout faire et le temps d'attente s'allonge pour les chômeurs dont elle a la charge : «Aujourd'hui, ils doivent attendre trois mois pour que je puisse les recevoir».

Un temps de formation insuffisant

Les demandeurs d'emplois sont en effet les premières victimes d'un nouveau sytème qui est loin de convaincre les 45 000 salariés du Pôle emploi. Alors parmi les manifestants, certains s'attachent à trouver quelques astuces pour fomenter la résistance au quotidien, comme Patrick Marquette, membre du Comité national CGT des privés d'emplois, qui met à disposition sur son site internet toutes les adresses et numéros de téléphone des différentes agences du Pôle emploi dans l'hexagone pour permettre aux chômeurs «de se rendre physiquement dans les agences sans être obligés de passer par le téléphone ou internet».

Jacques Rousselin, membre du SNU (Syndicat national unitaire), s'estime de son côté un peu plus chanceux que nombre de ses collègues : il ne fait que dans le conseil aux futurs créateurs d'entreprises, ceux qui ont un projet qu'ils veulent mener à bien. Pourtant, à l'agence dans laquelle ils travaillent, ils ne sont que 10 conseillers pour 5 000 personnes à suivre, «une hérésie si l'on veut avoir le temps d'effectuer un vrai suivi personnalisé». Les 1840 embauches promises par la direction pour faire face à la hausse du chômage et à celle du nombre de demandeurs d'emplois lui semblent largement insuffisantes.

Mais au-delà de cette mobilisation d'un jour, ce salarié proche de la retraite s'insurge contre «le sens que l'Etat veut donner à notre travail. On doit aller de plus en plus vite, être de plus en plus productifs, comment pourra-t-on garder le côté humain indispensable au service public que nous représentons ?». Un seul chiffre, selon lui, suffit à faire écho à son propos. «Les ex-salariés de l'ANPE bénficient d'une formation de trois jours pour se familiariser avec le travail de calcul d'indemnisation propre aux Assedic. Pour ces derniers, la formation a duré 6 mois...»

 

«94 % d’inscrits reçus dans les cinq jours»

Interview

Christian Charpy, directeur général du Pôle Emploi :

Par FRANÇOIS WENZ-DUMAS

Après avoir dirigé l’ANPE de 2005 à 2008, Christian Charpy est depuis six mois directeur général de Pôle Emploi. Il ne nie pas les difficultés mais assure pouvoir faire face à l’arrivée massive de nouveaux chômeurs.

Constatez-vous des retards dans l’inscription et l’indemnisation des chômeurs ?

Il n’y a aucun retard dans le versement des allocations. Actuellement, 94 % des nouveaux inscrits sont reçus dans les cinq jours qui suivent leur prise de contact avec Pôle Emploi en composant le 39 49. Lorsque l’ANPE et l’Assédic étaient séparées, moins de la moitié des entretiens d’indemnisation et de placement se faisaient dans la journée. Aujourd’hui c’est plus de 80 %. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait plus du tout de retards. D’abord 6 %, c’est encore beaucoup de monde, vu le nombre de gens que nous recevons. Il peut aussi y avoir un délai quand il manque une pièce au dossier, comme l’attestation d’employeur. Et il y a toujours des difficultés pour joindre le 39 49. Pour y remédier, et soulager les conseillers dans leurs tâches, nous avons lancé un recrutement exceptionnel de 500 agents, qui seront répartis sur des plate-formes téléphonique régionales opérationnelles dès le mois d’août. Nous devrions ainsi pouvoir faire face à l’afflux de nouveaux demandeurs à l’automne.

On vous reproche de ne pas avoir anticipé l’augmentation du nombre de chômeurs et les besoins en formation résultant de la fusion ANPE-Assédic…

Pôle Emploi compte 45 000 collaborateurs. Nous avons créé 1 840 postes nouveaux pour faire face à l’augmentation du chômage et à nos nouvelles missions. Nous avions prévu de former 20 000 personnes aux fonctions de conseiller personnel. Aujourd’hui, 12 000 d’entre elles ont achevé leur formation.

N’êtes-vous pas en retard sur le programme de regroupement ANPE-Assédic en des lieux unique d’accueil ?

Chaque jour, nous créons de nouveaux sites mixtes. Nous en avons déjà 146, dont 32 ouverts dans les dix derniers jours. L’objectif est d’en avoir 930 à l’automne.

N’avez-vous pas sous-estimé les différences de culture ?

Elles sont réelles et profondes. L’ANPE existe depuis quarante ans et les Assédic cinquante ans. Il a fallu recréer une ligne managériale de 1 500 personnes venant des deux entités. Une convention collective est en cours de négociation. Beaucoup d’agents attendent qu’elle soit conclue pour opter pour l’un ou l’autre statut. Cela provoque des attentes ou des inquiétudes et il faudra du temps.

La fusion est-elle irréversible ?

Elle résulte d’une loi votée le 13 février 2008. Il n’est même pas envisageable de revenir en arrière, et les gens le savent. Nos difficultés actuelles ne viennent pas de la création de Pôle Emploi, mais de la montée brutale du chômage à laquelle nous faisons face au même moment. Depuis fin août 2008, nous avons accueilli 600 000 demandeurs d’emploi supplémentaires



19/06/2009

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